la bande à venir avec une esquisse

d'après le séminaire de Jacques Rancière :

l'idée esthétique

Collège international de philosophie, Paris.

Ce séminaire développera l'hypothèse présentée l'an dernier, à travers une généalogie du thème esthétique dans la philosophie : l'esthétique n'est pas une région du savoir, ou une partie de la philosophie qui aurait pour objet les pratiques ou les oeuvres de l'art. Elle est une forme de visibilité et un régime de pensée de ces oeuvres et de ces pratiques qui s'oppose à un autre (la poétique). Et le régime esthétique de l'art relève d'abord d'une idée de la pensée qui voit dans les oeuvres les témoins d'un mode spécifique de présence de la pensée en dehors d'elle-même.
En réfléchissant sur les modes contradictoires de cette "pensée en dehors d'elle-même", on examinera cette année quelques conséquences de l'hypothèse : premièrement, ce qui s'appelle ordinairement "esthétique" est en fait le lieu d'entrelacement complexe de deux logiques contradictoires, la logique poétique et la logique esthétique.
Deuxièmement, l'esthétique n'est pas seulement une forme de pensée des arts, elle est un mode de production qui donne lieu à des arts spécifiques, des arts de l'âge esthétique (littérature, cinéma, mise en scène) qui en sont aussi bien les révélateurs. Troisièmement, l'esthétique n'est pas seulement une conceptualisation des choses de l'art, elle est une idée générale de la pensée et de sa co-appartenance avec la non-pensée. Aussi est-elle un des lieux d'élaboration de la notion d'inconscient, mais aussi le principe d'une réévaluation globale de la philosophie (Nietzsche). Quatrièmement, elle est une idée de la pensée qui met d'emblée en rapport la singularité de l'oeuvre et la puissance d'une communauté. Elle se noue ainsi à la politique d'une manière principielle, et non point circonstancielle. Et les démystifications sociologiques de la pureté esthétique présupposent elles-mêmes les catégories de l'esthétique.
En examinant certaines de ces conséquences et certains de leurs croisements, on voudrait contribuer à une intelligence d'ensemble du mode esthétique de l'art. À partir de là, il serait possible de comprendre les succès ou les "crises" de certains arts et la diversité des conceptualisations auxquels ils donnent lieu.

J’ai suivi pendant deux ans, 1997 – 1999, le séminaire de Jacques Rancière, intitulé : L’idée esthétique, soit 21 cours de deux heures au Collège de philosophie à Paris et, en décembre 1997, le séminaire de Giorgio Agamben, intitulé : Qu’est-ce que la philosophie, soit 5 cours de deux heures.

[Des compositions à l’infini]

Pendant ces deux séminaires, j’ai pris des notes dessinées au stylo à bille sur des cahiers, soit 832 notes dessinées, pour le cours de Jacques Rancière et 181 notes dessinées, pour le cours de Giorgio Agamben.

[Condamné à l’inadéquate]

Dans un premier temps, j’ai travaillé sur des agrandissements de mes notes dessinées du cours de Jacques Rancière sur des feuilles blanches de 120x80 cm. J’ai nommé chaque cours, cercle, soit 21 cercles.

J’ai fait apparaître mes notes dessinées du cours de Giorgio Agamben sur ces mêmes feuilles blanches, mettant, côte à côte, les notes des deux cours.

[Un certain temps un certain lieu]

Un objet constitué de 270 feuilles s’est achevé, n’englobant pas l’ensemble des notes des deux cours.

[En tant qu’elles passent à l’existence]

J’ai invité une trentaine de personnes à voir ce travail. Les feuilles étaient posées les unes sur les autres, sur une table, dans un ordre chronologique que je déplaçais sur une autre table, au rythme des visiteurs.

J’ai enregistré chaque visite, sauf deux où l’enregistrement n’a pas fonctionné.

A chaque visite j’ai retiré et(ou) déchiré une feuille. Le regardeur suivant, voyant le travail, moins une feuille.

L’ensemble de toutes mes notes dessinées du cours de Jacques Rancière sont rassemblées ici.
L’ensemble de toutes mes notes dessinées du cours de Giorgio Agamben sont reproduites sur une feuille recto verso de 120x80cm, pliée comme une carte routière, intitulée : Le langage noir.

 

Déjà

Et cela se fait autre, là où je n’y avais

Pas pensé,

Renonçai.

Friedrich Hölderlin, Carrières de grève