PEROU

Patrick Fontana participe aux trois jours organisés par le collectif PEROU.

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PEROU (facebook)

Aujourd’hui, à la Colonie, des paroles et des images puissantes, des réfugiés de Lille, de Zimako Jones, des Calaisiens, des chercheurs du PEROU, de Marielle Macé, de Gaetane Lamarche-Vadel, de Fiona Meadows, de Malte Martin, de Thomas Aguilera, des étudiants de SPEAP, des étudiants du Master de Création Littéraire de Paris 8 Saint-Denis, d’Antoine Hennion, du collectif Sans Plus Attendre, des photographes du projet « Réinventer Calais », et de bien d’autres, mais aussi ce texte envoyé au PEROU par Patrick Chamoiseau, extrait de son livre à paraître ce samedi, « Frères Migrants » :

« Mais, alors que bien des pays pauvres recueillent tant bien que mal des migrations massives, les États-nations d’Europe préfèrent dire à la vie qu’elle ne saurait passer. Eux qui ont tant migré, tant brisé de frontières, tant conquis, dominé, et qui dominent encore, veulent enchouker à résidence misères terreurs et pauvretés humaines. Ils prétendent que le monde d’au-delà de leurs seules frontières n’a rien à voir avec leur monde. Qu’il n’est pas de leurs oeuvres et pas de leur devoir. Ils lui opposent les dissuasions d’une mort autorisée, filmée à angles choisis, médiatisée chaque jour. Ils élèvent l’attestation d’un impossible sur des monceaux de cadavres et consentent à l’abandon de tout un océan aux vocations des cimetières. Le berceau de leur civilisation est devenu une tombe. Ils ont tout essayé, pactisé avec les infamies, ici avec le diable turc, là avec la déroute grecque, plus loin ils ont forcé la faiblesse italienne, et pour le reste ils ont peuplé leurs rives de démons mercenaires. Cela se voit légitimé par des équilibres économiques, des seuils de tolérance, des préventions sécuritaires contre le terrorisme, de la Raison d’État alliée aux indigences du pragmatisme politicien. Ils arguent d’identités menacées par des hordes dissolvantes. Ils disent que rester hors d’atteinte est la seule réponse possible à ce qui n’est qu’un début d’invasion. L’Europe envisagée comme solitude au monde ! L’Europe, amputée de sa propre mémoire, se voyant née d’elle-même, se nourrissant d’elle-même, achevée en elle-même sans besoin de l’Humain !… Pourtant, en son sein même, l’imprévisible surgit. Quelques êtres humains – je parle des gens de l’ordinaire, sans titre et sans blason – s’éveillent malgré tout à quelque chose en eux. À l’instar des migrants, ils inventent au-devant de leur propre humanité d’intraitables chemins. Sans attendre un quelconque horizon, ils recueillent et accueillent des ombres des spectres des silhouettes qui traversent les projecteurs et les obstacles éblouissants. Ils se portent vers eux, sans lumière, sans audience, avec juste un rien d’humanité tremblante. Se faisant eux-mêmes et audience et infime lumière, ils donnent leur lit, leur petit déjeuner, leurs habits, leur temps, leur solitude aussi. Casa nostra, casa vostra ! Chants, danses, musiques, petites choses petits gestes petits mots qui recèlent sans doute l’éclat ténu d’un autre monde : une intuition qui désavoue des vérités ténébreuses et puissantes. Casa nostra, casa vostra ! »

Demain, toujours à la Colonie, d’autres paroles, d’autres images, d’autres actes au programme, à partager, à faire proliférer.

PEROU_Colonie (pdf de présentation)

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